( Musique Funèraire de la Lobaye disparue à ce jour )
La Musique Traditionnelle Centrafricaine très riche et variée selon les régions et les ethnies attire sans cesse la convoitise des spécialistes mondiaux. Cependant il est à signaler que certaines variétés de ces rythmiques musicaux sont menacées de disparition. Ainsi, la diminution des groupes ethniques Pygmées en République Centrafricaine, précisément dans la région de la Lobaye et de la Shanga M’Baéré est inquiétante du fait que leur musique risque un jour de disparaître. Quelques enregistrements effectués çà et là va nous rappeller dans le futur l’existence de cette civilisation millénaire.
Le cas frappant est la menace de la disparition de « Mogbaté » signalée par Georges Bilan Ferreira, originaire de la Lobaye , musicien et ancien chef d’orchestre du groupe Centrafricain « Makémbé ». Originaire de la Lobaye comme Georges et connaissant bien cette variété Musicale Centrafricaine, nous décidons de tout mettre en œuvre pour sauver ce patrimoine lié à l’âme des ethnies « M’bati, N’gaka, Bouaka, Bagando et Monzombo ». La prochaine étape sera sans doute Bossangoa qui d’après Georges Ferreira regorge d’énormes richesses sur une Variété Musicale inégalée. Le musicien
découvre ce trésor lors d’une campagne de cire d’abeilles qu’il mène dans le cadre de ses activités d’Agent commercial. D’ailleurs ce constat relève bien d’un connaisseur dans la mesure où la musique de l’Ouham Péndé, région voisine est prisée en Europe, notamment en France.
En fait, le « Mogbaté » est une musique qui se joue avec plusieurs Tam-Tam pendant des funérailles ou lors des célébrations des veillées funèbres. En général lors d’un décès en Centrafrique les parents attristés pleurent, chantent et dansent. Le « Mogbaté » se joueà ce moment par des hommes initiés par ce que les rythmes exécutés doivent réveiller des sentiments de tristesse et de joie chez la famille. Lorsque les percussionnistes envoient des signaux de tristesse, un groupe de pleureuses se forment pour entonner des chants funèbres. Les percussions de joie se jouent le plus souvent lors des célébrations de veillées funèbres. Ainsi, les rythmes envoûtants doivent attirer amener des fouler à danser jusqu’au petit matin.Pour se souvenir des morts, le « Mogbaté » est souvent joué et le village pleure les disparus. Selon la tradition de la Lobaye, il est formellement interdit de jouer le « Mogbaté » hors des rituels funéraires de peur de provoquer une mort au village. Ainsi, c’est une musique sacrée et réservée aux musiciens initiés.
Plusieurs raisons sont sans doute liées à la menace de la disparition de « Mogbaté » . D’abord par ce que de nos jours beaucoup de jeunes citadins ne s’intéressent plus à nos valeurs traditionnelles. Je me souviens encore quand le « Mogbaté » est populaire dans certains quartiers de Bangui : « Fatima, Kina, Kpètènè, N’zangognan, Vomitiendé, Madoua, Pétévo ». L’exode rurale massive des jeunes vers Bangui la capitale qui espèrent de trouver une vie meilleure est également un frein lié au développement de « Mogbaté » dont la relève des musiciens initiés dans les villages devient difficile.
Il importe de signaler par ailleurs que pendant l’esclavage, souvent les noirs meurtris pleurent leurs morts en jouant le « Mogbaté » comme dans les célébrations funèbres en Afrique. Leurs maîtres blancs qui ne comprennent pas cette culture de « Mogbaté » pensent que les esclaves procèdent à une comédie musicale pour se distraire pendant leur voyage. Aujourd’hui l’on constate que le rap puise son inspiration dans le « Mogbaté » qui déborde de ce fait les frontières Centrafricaines. L’on comprend alors que le « Mogbaté » soit emmené en Amérique par des esclaves noirs, à l’ instar de la Salsa pour le Cuba. Enfin, le projet de sauvegarde de « Mogbaté » consiste selon Georges Ferreira à organiser plusieurs ateliers liés à cette musique à Bangui et à M’baïki pour sensibiliser davantage de jeunes et pour les amener à le pratiquer. D’après Georges Ferreira c’est dommage que le « Mogbaté » musique live soit remplacée de nos jours par la diffusion des K7 audio de musiques réligieuses jouées lors des cérémonies funéraires à Bangui. Je partage ce constat qui ne va pas à l’encontre de la musique réligieuse, mais encourage la production de musique vivante quelqu’en soit la source d’inspiration.
Extrait d’Anthologie de la Musique Centrafricaine
maziki.fr.
Par Sultan ZEMBELLAT © Paris, mars 2003