Jimmy Zakari

Jimmy ZakariJimmy Zakari

Paulo Kamba, Jimmy Zakari et Wendo Sor, sont les trois précurseurs de la «Rumba Congolaise».

Jimmy Zakari

Il est vrai que nul n’est prophète dans son. C’est l’exemple même de Jimmy Zakari, un Centrafricain qui participe activement à la naissance de la Rumba dite Congolaise en y apportant tout son savoir et ses connaissances musicales acquises au séminaire. Quand ce génie rencontre un succès énorme au Congo Brazzaville et au Congo Kinshasa, dans son pays, à peine quelques anciens se souviennent de lui. La plus part des jeunes Centrafricains ne le connaissent pas et ceux qui entendent parler de lui pensent qu’il est Congolais. Même lorsque Jimmy rentre définitivement à Bangui, il souffre quelque part de ce manque de reconnaissance par les siens. Si l’Etat Centrafricain lui permet d’intégrer la fonction publique en qualité de Secrétaire Dactylographe pour vivre descemment, l’on peut cependant constater le manque d’une véritable réhabilitation sociale à son égard. Tout comme Marcel Joachim Vomitiendé et Prosper Mayélé, Jimmy Zakari représente non seulement un mounment notre musique, mais l’histoire même de la Culture Africaine et Centrafricaine.

Wendo Sor, jeune adolescent de 15 ans, admirateur de Paulo Kamba et fasciné par le High Life commence à chanter dans les années 40 et enregistre en 1948 son premier disque 45 tours « Marie-Louise ». Vendu à 2 millions d’exemplaires, cet album le propulse hors des frontières de Congo Kinshasa. En 1950 Wendo baptise son groupe «Victoria» pour rendre hommage à son Maître Paulo Kamba de l’autre rive du fleuve Congo. Ainsi, la chanson « Marie-Louise » produite par le producteur Grec Jiriminidis des éditions «Ngoma» permet au Congo Kinshasa de prendre une avancée considérable sur le plan musical Africain. Par la suite on assiste à la naissance d’une industrie musicale Congolaise avec des studios d’enregistrement tenus par des prêtres et des unités de fabrication des disques vinyles gérées par des commerçants Grecs. Aussi, ces structures favorisent progressivement au rayonnement de la Rumba Congolaise.

Si beaucoup participent à la création de la « Rumba Congolaise », l’on peut attribuer la paternité de ce nouveau courant musical Africain à trois précurseurs qui sont : Paulo Kamba (Congo Brazzaville), Jimmy Zakari (Centrafrique) et Wéndo ( Congo Kinshasa ). Il est important de rappeler que Brazzaville la capitale de l’Afrique Equatoriale Française à cette époque est une plaque tournante musicale du fait du puissant émetteur de Radio qui diffuse des musiques et surtout celles des groupes locaux. De plus, des lieux de bals dansants tels que « Fainion », « Cave de Fafi » font de Brazzaville un lieu d’animation et d’ambiance.

Radio Bangui fondée en 1958

Radio Brazzaville fondée en 1941

Paulo Kamba

En 1940 Paulo Kamba fonde son groupe « Victoria » et anime des bals avec Jimmy Zakari qui évolue tant tôt en solo pour animer des fêtes de la communauté Centrafricaine de Brazzaville et tantôt dans des groupes Congolais de Kinshasa aux Côtés de Léon Boukassa, Manuel Doliveira et de Bowané. Son passage à Kinshasa lui a permis de former beaucoup de guitaristes dont le Célèbre musicien Franco Luambo Makiadi qui lui doit le style « arpègé » devenu une identité de ce dernier. Pour mémoire Jimmy doit ce style à un musicien marin Grec de passage au Congo Brazzaville. De plus, Jimmy Zakari est le seul guitariste à jouer de la guitare hawaïenne, d’où son surnom par les Congolais de Kinshasa de Jimmy de l’ hawaïenne. A cette époque le chanteur du Congo Brazzaville Paulo Kamba fait fureur et trouve des admirateurs hors frontières.

Bangui dans les années 50

Jimmy Zakari

Centrafricain né au Congo Brazzaville vers 1926, Jimmy fréquente en 1940 le séminaire de Bokoro au Congo Kinshasa où il se perfectionne en musique en apprenant le solfège et l’harmonie. Guitariste à Brazzaville dès son jeune âge où il rencontre Paulo Kamba, son passage au séminaire lui permet de parfaire ses connaissances à la guitare et d’apprendre le saxophone. Ainsi, Jimmy Zakari dans les années 40 est le seul musicien intellectuel qui lit et écrit la musique.

Jimmy révolutionne la «Rumba Congolaise»

Franco Luambo Makiadi

Jimmy quitte le séminaire de Bokoro en 1945 pour Léopolville, aujourd’hui Kinshasa où il rencontre Wendo, Bowané, Léon Boukassa, Manuel Doliveira et Muanga. A cette époque les chanteurs sont accompagnés d’un ou de deux guitaristes et d’un percussionniste. Jimmy apporte une révolution dans la Rumba Congolaise » en apportant des solos de guitare dans le répertoire avec la mise en place d’une formation complète comprenant désormais : 1guitare rythmique, 1 guitare solo, 1 contrebasse, 1 saxophoniste, des chanteurs et des percussionnistes.

Bénatard un commerçant de confession juive créé les éditions «Opika» avec pour artistes Jimmy et MuangaLa Rumba Congolaise prend son essor avec l’arrivée de Jimmy qui enrichit cette musique. Le commerçant Grec Jiriminidis fonde les éditions « Ngoma » avec comme leaders Wendo et Bowané. Bawané est le célèbre guitariste Congolais qui accompagne Wendo dans sa chanson fétiche « Marie – Louise ». Bénatard un commerçant de confession juive créé les éditions «Okapi» avec pour artistes Jimmy et Muanga. Muanga est un chanteur Congolais de Brazzaville qui évolue avec Jimmy.

Joseph Kabassélé dit Grand Kalé

Il importe de signaler qu’un jeune chanteur engagé dans l’écurie « Okapi » du nom de Joseph Kabassélé alias grand Kallé est formé par Jimmy Zakari. Ainsi, les premières « Rumba Congolaises » enregistrées à Kinshasa dans les années 40 et chantées par le jeune chanteur Joseph Kabassélé sont orchestrées et arrangées par Jimmy. D’ailleurs quand on écoute ces enregistrements, l’on reconnaît les solos de guitare de Jimmy. Du fait de la pénurie des musiciens pouvant jouer en groupe, Jimmy fait appel à des expatriés pour arriver à former un orchestre complet de la « Rumba Congolaise ». Ainsi, cet orchestre sous la direction de Jimmy reprend des morceaux connus de : Jazz, Tango, Blues, Rumba cubaine, Boléro, Polka Piquée, Valse, . Jymmy Zakari est l’arrangeur et guitariste soliste de la première version du chef-d’oeuvre «Kalé Kato» composé et chanté par Joseph Kabassélé.

Grand Kalé et African Jazz

Jimmy sensibilise les musiciens Congolais
sur la connaissance et sur la revendication
de leurs droits d’auteur.

Entre les années 40 et 50 la « Rumba Congolaise » naissante génère de l’argent a leurs producteurs et les conditions de vie des artistes des éditions « Ngoma » et « okapi » ne s’améliorent pas. Jimmy Zakari connaissant ses droits du fait d’avoir fait des études musicales au séminaire réclame ses droits d’auteur à Bénatard des éditions « Okapi ». Il obtient gain de cause. Jimmy en informe Wendo, Bowané, Manuel Doliveira qui font la même démarche auprès de Jiriminidis des éditions « Ngoma » avec succès. De part ce geste militant, Jimmy sensibilise les musiciens Congolais sur la connaissance et sur la revendication de leurs droits d’auteur. Il apporte une formation à ces jeunes parmi lesquels l’on retrouve Tino -Barroza, docteur Nico devenu le célèbre guitariste de Rochereau et son frère Descheaux.

Jimmy forme un orchestre composé en majorité des jeunes en 1954 pour une tournée prévue à l’étranger. Il apporte une formation à ces jeunes parmi lesquels l’on retrouve Tino – Barroza, docteur Nico devenu le célèbre guitariste de Rochereau et son frère Descheaux. Jimmy apporte à ces jeunes musiciens une formation en harmonie pouvant les amener à interpréter des morceaux et surtout le jazz. D’après lui, le plus doué de ces formés est Tino Barroza qui joue avec une maîtrise d’harmonie. D’ailleurs, la chanson Lolo Brigida » chantée par Joseph Kabassélé, composée et accompagnée par Tino – Barroza atteste bien ce témoignage. Tout comme son maître Jimmy, Tino – Barroza est non seulement un bon guitariste, mais également un excellent saxophoniste.

Tino-Barroza héritier de Jimmy Zakari

Tino Barroza avant de trouver la mort tragiquement en 1969 au Cameroun forme a son tour un jeune guitariste Camerounais dénommé Moïse Fando devenu également un virtuose de Jazz. D’après Moïse, « Tino – Barroza est un génie, un jazz men hors pair et m’a tout apporté ». Le célèbre chanteur bassiste Camerounais Pierre Didi Tchakounté compagnon de Moïse déclare : « nous sommes les élèves de Tino ». L’on comprend que Tino – Barroza, héritier de Jimmy reprenne la démarche pédagogique de son maître auprès des jeunes.

Jimmy arrive à Libreville en 1954 avec sa formation composée de Nico, Tino-Barroza, Deschaux et autres.

Jimmy arrive à Libreville en 1954 avec sa formation composée de Nico, Tino – Barroza, Deschaux et autres. Après une tournée dans les principales villes du Gabon il emmène son orchestre à Pointe Noire au Congo Brazzaville le 1er novembre 1956 où il dissout le groupe et continue sur Brazzaville avec 1 guitariste rythmique, 1 percussionniste, et 1 saxophoniste. Jimmy demande à Nico, Tino – Barroza et Deschaux de repartir au Congo Kinshasa. Il paie leur voyage retour à Kinshasa où ceux – ci s’engagent dans l’orchestre « African Jazz » nouvellement formé par Joseph Kabassélé qui chante avec le seigneur Rochereau.

Jimmy forme les guitaristes Centrafricains Diable Kombas et Nico Koguia.

Revenu à Bangui, la terre de ses ancêtres en 1957 jimmy rencontre des musiciens Centrafricains, anime des
Moïse Fando un élève de Tino Baroza

émissions et forme des jeunes. Jimmy forme les guitaristes Centrafricains Diable Kombas et Nico Koguia. Il rencontre un de ses copains Marcel Joachim Vomitiendé, professeur de musique, ensemble ils animent assez souvent des bals en plein air à Lakouanga. Je le rencontre pour la première fois chez mon oncle Marcel Joachim Vomitiendé au quartier Lakouanga en 1964 où il vient jouer de la musique avec ce dernier et raconter son parcours musical. Je garde encore des souvenirs où il accompagne à la guitare et au saxophone mon oncle qui joue du piano.

Luambo Makiadi le rencontre à Bangui et lui doit sa reconnaissance pour l’avoir formé à Kinshasa. Après son passage à la radio Bangui en qualité d’animateur, Jimmy devient secrétaire dactylographe à la présidence de la République où il prend sa retraite en 1986. En 1987 le chanteur guitariste Franco alias Luambo Makiadi le rencontre à Bangui et lui doit sa reconnaissance pour l’avoir formé à Kinshasa. Franco le réhabilite socialement à Bangui en lui achetant un costume et en lui donnant un peu d’argent de poche. De plus, en qualité de président de la SONECA (Société Nationale des Editeurs, Compositeurs et Auteurs) de Congo, il invite Jimmy Zakari à Kinshasa pour qu’il touche ses droits d’auteurs accumulés depuis plusieurs années et en attente de paiement. Jimmy part à Kinshasa touche ces droits d’auteur et revient s’acheter une maison au quartier Pétévo où il vit jusqu’à son dernier souffle en 1990.

le Camerounais Moïse Fando est le seul dépositaire encore vivant de ce savoir-faire

Moïse Fando à Paris

Il importe de remarquer que l’absence des écoles de musiques amène les pionniers à transmettre leurs connaissances et savoir-faire aux jeunes artistes lesquels retransmettent à ceux qui arrivent. Tout comme la démarche d’apprentissage de la tradition orale dans la société africaine, l’on constate une transférabilité de cette méthode chez les chanteurs musiciens africains. Ainsi, après la disparition de Jimmy Zakari et de ses élèves Tino-Barroza, Nico et Descheaux, le Camerounais Moïse Fando est le seul dépositaire encore vivant de ce savoir-faire. Rappelant que Moïse Fando forme et inspire de nombreux musiciens africains de 1969 à ce jour.

Je tiens à le réhabiliter sur le plan de l’histoire de la «Rumba Congolaise» et à rendre hommage à ses anciens compagnons pour l’héritage qu’ils nous laissent.

Enfin, il importe de préciser avec des détails dans cette Anthologie de la Musique Centrafricaine, comment et dans quelles conditions Jimmy Zakari est l’un des pionniers de la Rumba Congolaise ». Certains ne lui reconnaissent pas une part de paternité dans la création de ce patrimoine du fait qu’il est Centrafricain. Pour ma part, je tiens à le réhabiliter sur le plan de l’histoire de la « Rumba Congolaise » et à rendre hommage à ses anciens compagnons pour l’héritage qu ‘ils nous laissent. En tout état de cause, le but de cette démarche est la valorisation et la promotion de la Musique Centrafricaine encore méconnue, et ce dans une optique de sauvegarde de notre Patrimoine Immatériel destiné à la génération future.

maziki.fr
Sultan Zembellat
Anthologie de la Musique Centrafricaine

 

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