1/ La naissance du Makossa
L’on ne peut parler de la Rumba Congolaise sans citer le Makossa voisin dérivé du High Life et de la musique traditionnelle de l’ethnie Douala. Tout comme la Rumba Congolaise qui subit l’influence de du High Life venu du Ghana et de la Musique Cubaine, le Cameroun n’est pas du reste. D’ailleurs, dans les années 50 le Méréngué venu de Saint – Domaingue rencontre un grand succès au Cameroun voisin de la Centrafrique. Aussi, le Mambo ou le Baténgué bal populaire joué par des habitants d’Afrique centrale de 1950 à 1970 prend sa source entre la Cameroun et la Centrafrique. Peu à peu le Cameroun tourne le dos à l’influence Ghanéenne et Dominicaine pour faire du Makossa une identité nationale. Avec l’évolution aidant, les Camerounais enrichissent le Makossa avec l’apport du Jazz, Pop, de la Soul et de la Rumba Congolaise.
2/ Les Pionniers du Makossa
Parmi les pères fondateurs du Makossa, l’on peut citer Nèl Eyoum et Ebanda Manfred tous deux de l’ethnie Douala, minoritaire au Cameroun mais avec une culture dominante puisque la musique populaire est chantée dans cette langue. Les Douala sont des bantous qui parlent une langue proche de lingala du Congo. Manu Dibango et Francis Beybey qui font partie eux aussi de cette première génération des artistes Camerounais modernisent le Makossa par des arrangements empruntés au Jazz, Pop et à la Soul. Jean Bikoko Aladin et Anne Marie N’zié classés parmi ces pionniers développent l’Assiko et le Bikutsi musiques des ethnies Bassa et de l’ensemble bantou constitué d’Ewondo, Boulou, Béti et Fan.
3/ La Deuxième génération des artistes du Makossa
La deuxième génération des artistes Camerounais apporte au Makossa un souffle nouveau et le permet de s’exporter. Ainsi, l’on peut nommer Eboa Lottin poète et guitariste de talent qui se distingue de cette seconde génération d’artistes Camerounais. Ce fils d’un pasteur Luthèrien estampille le Makossa de lignes harmoniques complexes et mélancoliques avec des paroles provocatrices. Eboa Lottin marque l’histoire du Makossa avec Matumba et Bésombé, chefs – d’œuvres qui deviennent des classiques de ce riche courant musical. Après le premier succès d’Eboa Lottin dès 1961 avec l’enregistrement de Bésombé, Ekambi Brillant en 1972 remporte un jeu radiophonique animé par Manu Dibango sur la Radio France Inter avec le titre N’Djonguèlè qui le propulse au-delà des frontières Par la suite, l’enregistrement de son tube Elongui arrangé par le célèbre musicien français Slim Pézin permet à Ekambi Brillant d’aller de succès en succès.
4/ La Troisième génération des artistes du Makossa
Enfin Charles Lèmbè, Dikoto Mandèguè, André Marie Tala, Tchana Pierre qui est fonctionnaire de son état et chanteur compositeur de talent, Pierre Didi Tchakounté et Los Calbinos participent à la vulgarisation de la Musique Camerounaise. Pierre Tchana est le compositeur de la célèbre chanson » Il n’est jamais trop tard » reprise et popularisée par l’orchestre national Guinéen le Bembéya Jazz National. Pierre Didi Tchakounté est découvert par le chef de programme de la Radio Cameroun, Ekoka Sam Ewandé en 1970. En fait ce musicien et chanteur de variété lui aussi collabore avec Slim Pézin et popularise le » Mangabeu « , une musique ternaire Camerounaise du style 6/8 du groupe ethnique Bamiléké. Aussi, André Marie Tala chanteur guitariste aveugle de talent devient célèbre lorsque James Brown le plagie dans les années 70.
Puis la troisième génération des musiciens et chanteurs qui vulgarise à grande échelle le Makossa est constituée de Toto Guillaume, Koti François, Emile Kangué du groupe Black Style. Après vient la la quatrième génération composée de Jo Masso, Timè Foti, Bill Loko, Dina Bell, Bébé Manga, les Têtes Brûlées, Moni Bilé Ben Decca, Salé John, Douleur, Aladji Touré, Etienne Mbapé, Richard Bona, Gilles Kamga, Petit Pays, Rantamplan, Guy Lobé, Asta Djèmbé, Peeter Yamson, Papillon…
5/ Le Makossa s’essouffle après 50 ans de succès
Après plus de cinquante ans d’existence et de succès incontesté, le Makossa s’essouffle. Et pourtant le Cameroun regorge non seulement de musiciens de talent capables d’apporter au Makossa un souffle nouveau, mais d’autres riches variantes musicales ethniques. Sans doute le développement des Musiques Académiques par la plupart des musiciens Camerounais les éloigne du Makossa primitif et dansant. Beaucoup rêvent de devenir un autre Richard Bona pour sillonner le monde en passant par les States et de jouer en compagnie de Georges Benson. Plus l’on s’internationalise, plus l’on n’arrive plus à faire danser les gens du pays. Aussi, le manque de développement des orchestres à l’instar des têtes brûlées et de l’orchestres de l’armée constitue un frein à la résurection de la musique Camerounaise. Certes, de nombreux groupes se forment pour se produire dans des cabarets au pays, mais malheuresement le style développé et joué par ces formations s’éloigne du Makossa.
6/ L’émergence du Bikusi
Après l’émergence du Bikusi dans les années 90 qui dans une certaine mesure prenait le relais du Makossa moribond n’a point malheureusement fait long feu. Le décès brutal de Zanzibar guitariste de génie et chef du groupe des têtes brûlées qui popularise le Bikutsi est sans doute l’une des raisons de la chute de ce courant musical Camerounais. Qu’en est-il d’autres genres musicaux Camerounais pouvant tout comme le Bikousi apporter un souffle nouveau à la musique Camerounaise. L’Assiko et le Mangabeu musiques Bassa et Bamiléké peuvent être développées et popularisées à cet effet. Sur le terrain le Makossa subit l’influence flagrante du Ndombolo Congolais.
La riche rythmique arpégée du Makossa et sa ligne de basse syncopée disparaissent au profit de la cadence monotone du Ndombolo qui commence à vieillir. Après l’hégémonie du Ndombolo sur tout le territoir Camerounais, c’est le Coupé Décalé Ivoirien qui gagne du terrain de la Briqueterie à Bona Béri. De Ngaoundéré à Bafousam la fièvre du Ndombolo et du Coupé Décalé bat son plein. L’on se crorait à Yamoussokro et à Lumumbashi dans ce tohu bohu venu d’ailleurs et qui fait danser la population Camerounaisedésormais habituée à l’exotisme tropical. A quand le retour d’une bonne sauce pimentée de Makossa au Ndolè national ?
maziki.fr
Sultan Zembellat
Anthologie de la Musique Centrafricaine