Marcel Joachim Vomitiendé

Marcel Joachim Vomitiendé,

Professeur de Musique, Musicologue,
Pianiste et chef de Fanfare Cool-Stars

Le Professeur Marcel Joachim Vomitiendé en répétion à Lakouanga
Marcel Joachim Vomitiendé

Marcel Joachim Vomitiendé est né le 05 septembre 1927 à la mission Saint-Paul à Bangui. Son père René Vomitiendé et Barthélémy Boganda tous deux orphelins de père sont recueillis par des prêtes de l’église Saint – Paul qui leur apportent une éducation fondée sur l’enseignement Catholique. Barthélémy Boganda, garçon vif et doué pour les études est orienté au petit séminaire et René Vomitiendé reçoit une formation professionnelle de charpentier. Marcel fréquente en 1933 l’école primaire de Saint-Paul des rapides et notre dame de Saint Louis et obtient son Certificat d’études indigènes en 1940. Il rentre à Bangui où il obtient le CAP d’Instituteur et intègre l’enseignement Catholique
Sultan Zembellat à Bangui

Marcel Joachim Vomitiendé rentre au pré-séminaire d’Esok et au petit séminaire d’Akono au Cameroun de 1940 à 1945 où il finit la classe de première. Il rentre à Bangui, obtient le CAP d’Instituteur et intègre l’enseignement Catholique. Il importe de signaler que l’église Catholique détient à l’époque le monopole d’enseignement sur le territoire de l’Oubangui Chari. Successivement, Marcel occupe le poste d’Instituteur à Bambari de 1945 à 1946, M’baïki de 1946 à 1947, Alindao de 1948 à 1949, Ippy de 1949 à 1950, Saint – Louis de Bangui de 1950 à 1952 et Sibut de 1952 à 1953 où il est directeur et professeur de Latin au petit séminaire Saint Marcel de Sibut.Marcel tombe malade vers fin 1953 à Kémbé où il est Adjoint au Chef de District et Agent Spécial et se fait interner à l’hôpital général . Il emporte sur lui sa guitare à l’hôpital et se produit toute la nuit, d’après lui pour consoler les malades avec la musique. S’il excelle au chant et à la guitare, la nuisance occasionnée par sa musique dérange la tranquillité des patients de Kémbé. Le lendemain il se fait virer de l’hôpital et retrouve la santé. Certains malades hospitalisés se souviennent de sa bruyante prestation quelques années plus tard à Bangui. Marcel part en formation de professeur de musique en France à la demande de Barthélémy Boganda

En 1954 il intègre la fonction publique à Bangui où il occupe différentes fonctions:
Commis Adjoint des S.A.S, Commis des S.A, Secrétaire d’Administration, chef des Services Généraux à la station Expérimentale de Boukoko et Secrétaire Particulier du Gouverneur San Marco de 1954 à 1957. De 1957 à 1959 il devient chef de Cabinet du Président Barthélémy Boganda et également chargé des Travaux publics. Marcel part en formation de professeur de musique en France, et ce à la demande de Barthélémy Boganda. En France il effectue ses études à l’école Supérieure de Musique et de Arts de Paris en 1960. De 1961 à 1963 Marcel fréquente l’école Supérieure Schola, le Conservatoire National de Musique de Paris, option professeur d’Education Musicale.

Il obtient la Licence d’Histoire de la Musique, de Musicologie
et le titre de Professeur de Musique à la Sorbonne.

Parallèlement Marcel s’inscrit à Paris la Sorbonne en Histoire de Musique et en Musicologie de 1960 à 1963. Il obtient la Licence d’Histoire de la Musique, de Musicologie et le titre de Professeur de Musique à la Sorbonne. Le musicien rentre à Bangui en 1963 où il fonde la première fanfare Centrafricaine baptisée  » Fanfare Nationale Centrafricaine « . Il rentre à Bangui avec tout un équipement, procède lui -même chez lui au quartier Lakouanga à Bangui au recrutement des musiciens. Ce n’est pas facile à l’époque du fait que tous les jeunes de bonnes familles n’adhèrent pas forcément à la musique. Longtemps, selon des parents Africains, la musique est liée au voyoutisme. D’où leur démotivation d’orienter leurs enfants dans la carrière musicale. Barthélémy Boganda qui initie ce projet musical patriotique meurt dans un accident d’avion le 29 mars 1959.
Marcel Joachim Vomitiendé

Ainsi, Marcel se bat pour avoir l’accord des parents des jeunes recrutés dans son orchestre. Bon pédagogue du fait d’être Instituteur, Marcel arrive à apprendre la musique à ces jeunes dont la majorité sont déscolarisés et rencontrant de difficultés de tout ordre.

La seconde difficulté qu’il rencontre est le fait de ne pas obtenir une salle de cours pour sa fanfare. Barthélémy Boganda qui initie ce projet musical patriotique meurt dans un accident d’avion le 29 mars 1959. Marcel se bat contre des moulins à vent et transforme sa demeure de Lakouanga en salle de cours et de répétition de musique. C’est la première fois où je vois des instruments à vent de toute sorte dans notre maison devenue petite. Je ne connais point à l’époque un seul petit coin de la maison où l’on ne retrouve pas d’instrument.

Les Banguissois viennent de partout pour assister aux concerts gratuits de la nouvelle fanfare Nationale. Des excercices de défilé dans les rues de Lakouanga sont spectaculaires du fait des musiciens novices dont les pas sont décalés du rythme joué. La foule qui assiste à ce spectacle qui devient un rituel ne manque pas de commentaires. De plus, de sa mission de chef d’orchestre, mon oncle se confronte à l’éducation véritable de ses éléves. Certains d’entre eux incorporés dans l’armée et devenus officiers supérieurs de l’Armée Centrafricaine se souviennent encore de cette époque qui marque leur apprentissage dans la fanfare Nationale. Pour certains le passage dans la fanfare est un facteur déclanchant sur leur intégration dans la vie active. Comme quoi une formation laisse toujours des traces. Pour la première fois, l’hymne national Centrafricain « la Renaissance »
est jouée par des Centrafricains.

Mon oncle obtient enfin en 1964 un espace de cours et de répétitions pour la fanfare parce que les autorités viennent de voir des preuves de cette action patriotique. Pour la première fois, l’hymne national Centrafricain  » la Renaissance  » est jouée par des Centrafricains. La fanfare Nationale Centrafricaine anime le défilé du 1er décembre 1963 célèbrant la fête de l’indépendance. La joie de la population Centrafricaine qui porte Marcel en triomphe est immense, mais mon oncle après ce défilé garde un goût amer du fait de la disparition tragique de Barthélémy Boganda qui est à l’origine de cette réussite

L’ancien Président Bokassa

Marcel participe au Festival Arts Nègres de Dakar en 1966,
initié par le Président Léopold Sédas Senghor.En 1966 le Colonel Jean-Bedel Bokassa renverse le Président David Dacko par un coup d’Etat et demande à Marcel Joachim Vomitiendé de former une fanfare militaire. Bokassa fait incorporer mon oncle dans la nouvelle armée pour encadrer l’orchestre militaire. Ainsi, avant de mettre en place la fanfare militaire Centrafricaine qui devient opérationnelle en 1967, Marcel participe au Festival Arts Nègres de Dakar en 1966, initié par le Président Léopold Sédas Senghor. De retour de cette Rencontre Culturelle et Artistique il fonde en 1966 avec le guitariste Prosper Mayélé l’Ecole Nationale des Arts de Bangui qui forme des musiciens, chanteurs et dramaturges. Parallèllement, Bokassa le nomme Chef de Service de Communication et de Propagande et d’Administration du Parti MESAN (Mouvement d’Evolution Sociale de l’Afrique Noire), mouvement fondé par Barthélémy Boganda et repris successivement par David Dacko et Jean – Bedel Bokassa. L’Etat sollicite Marcel Vomitiendé dans les années 70 pour créer la fanfare du parti MESAN, de la Police Nationale et de Castors. Il apporte une innovation dans le répertoire des fanfares Centrafricaines en intégrant des mélodies de chansons traditionnelles populaires du pays.
Marcel anime à Bangui l’unique piano-bar de l’hôtel Safari Ambiance, de 1966 à 1979 lors des dîners officiels offerts aux invités de marque de l’Etat Centrafricain.

En sa qualité de professeur de musique et musicologie, Marcel assure la formation des professeurs et instituteurs stagiaires de l’Ecole Normale Supérieure, d’Instituteurs et Cours Normal de Jeunes Filles de Bangui, et ce de 1963 à 1982 l’année où il prend sa retraite. Marcel anime à Bangui l’unique piano-bar de l’hôtel Safari Ambiance, de 1966 à 1979 lors des dîners officiels offerts aux invités de marque de l’Etat Centrafricain. D’aucuns sont surpris de le voir jouer du Mozart, Beethoven ou Chopin.
En 1976 Bokassa le sollicite pour accompagner la chorale qui anime pendant le sacre du Couronnement en la Cathédrale Notre-Dame de Bangui, et ce en présence de 5 000 personnes dont la plus part postées dans la cour de l’église. Il est nommé Directeur de l’Ecole du Parti et de la Propagande en 1979 tout juste avant la chute de Bokassa. Quand il prend sa retraite en 1982 Marcel trouve du temps pour aller donner des cours aux enfants à domicile. De 1988 à 1993 il devient Chef de la Musique et d’Harmonie du parti RDC (Rassemblement Démocratique Centrafricain) du Général André Kolingba. En 1994 Marcel Joachim Vomitiendé meurt suite à une longue maladie et cela dans l’indifférence totale.

Fanfare de Mesan fondée en 1972 par Marcel Vomitiendé

Marcel Joachim Vomitiendé en répétion

Je rends un vibrant hommage à mon oncle Marcel Joachim Vomitiendé fondateur des Fanfares Centrafricaines, créateur de l’Ecole Nationale des Arts et Professeur de musique auprès des stagiaires d’enseignement. Frère de l’église Catholique, Marcel Joachim Vomitiendé abandonne la soutane pour consacrer sa vie à l’éducation des enfants et de jeunes Centrafricains. C’est avec un talent de génie qu’il harmonise et accompagne pour la première fois le Président Barthélémy Boganda dans l’hymme Centrafricain, « la Renaissance »en 1958. Il compose une série de chansons patriotiques et éducatives à l’aube de l’indépendance pour permettre aux Centrafricains d’afficher leur fierté et liberté retrouvées. Marcel au nom de la République Centrafricaine obtient en 1962 le premier prix du Conservatoire de Paris et est Lauréat de plusieurs grands prix musicaux Africains. Il fonde avec ses anciens collègues de l’école Saint Paul de Bangui « la Chorale Grégorienne Centrafricaine » qui anime des messes en Latin. Parmi ces choristes, l’on remarque la présence active de Victor Déto Tétéya et de Paul Bangui. Avant sa mort en 1994, Marcel Joachim Vomitiendé regrette de ne pas avoir reçu aucune reconnaissance de l’Etat Centrafricain pour tout le service rendu à la Nation. Il m’encourage de prendre la relève.

Ses oeuvres diffusées sur les ondes de la Radio Bangui:
Nation ti Centrafrique
« Oubangui guiriri na ya ti vouko ndo,
RPF a pika mo, na chicotte mawa,
Mo yèkè guiriri na ya ti vouko ndo,
RPF a sala mo na passi mingui,
Nation ti Centrafrique mo zingo awé,
Tènè ti Boganda na MESAN ti lo,
Nation ti Centrafrique, mo zingo awé
Tènè ti Boganda na MESAN ti lo.
La joie de Bangui
« Ecoutez tous, ce chant si doux,
Cette mélodie qui vous dit la joie de Bangui,
Aïe au Safari, Aïe au Paradis,
Y ‘ a pas un seul pays qui resplondie en beauté, gaîté et hospitalité
Y ‘ a pas un seul pays qui resplondie en beauté, gaîté et hospitalité
Le beau pays c’est la RCA source d’amour,
Aïe au Safari, Aï au Paradis,     Citoyen
« Ainsi donc notre ville poursuivit,
Conduira tout Citoyen à la vie,
Ainsi donc notre ville poursuivit,
Conduira tout Citoyen à la vie,
Vive l’unité, dans la dignité Vive l’unité,dans la fraternité…

Paris, le 12 Septembre 2003
Sultan Zembellat
maziki.fr
Anthologie de la Musique Centrafricaine

HOMMAGE A MARCEL VOMITIENDE

C’est avec une profonde émotion que j’ai lue sur le site maziki, l’article consacré à l’homme qui fut l’oncle de Sultan Zembellat. Je veux parler de Marcel Vomitiendé que tous les Centrafricains, ou presque, connaissaient, du moins ceux des années Bokassa et Kolingba. Qui ne se souvient pas de cet homme affable et élégant dont l’imposante stature ouvrait le défilé civil, à la tête de la fanfare du Mesan, lors des festivités du 1er décembre, du temps de gloire de Jean-Bedel Bokassa?

Personnellement, je l’ai connu à l’époque où j’étais encore sur les bancs du collège. J’habitais lakouanga (deux rues goudronnées), non loin du quartier Nzilavo, à l’angle duquel se trouvait sa maison. Chaque soir, ce pianiste hors pair berçait nos soirées avec ses mélodies qui dépassaient les cimes du Bas-Oubangui, et par-delà, l’Oubangui, jusqu’a Zongo, sur l’autre rive. Il jouait tard, portes et fenêtres grandes ouvertes. Sous d’autres cieux, l’on parlerait de tapage nocturne, mais pour les noctambules banguissois, habitués à la musique tonitruante des bar-dancing, Mbi yé, Cascade, ou « la Coupole » à Lakouanga, c’était au contraire la joie de savourer ce nouveau, venu du pays des « mbouzou ».

Le seul désagrément pour nous autres, collégiens et lycéens, était que cela nous empêchait, à la veille des compositions trimestrielles, de nous concentrer sur les cahiers de leçons, dans la rue, à la lumière des lampadaires publics. On aimait bien le dire à sa fille, Marie-Agathe, chaque fois que celle-ci se rendait le soir, chez la mère Kouasssi, acheter des beignets chauds. Néanmoins, chacun y trouvait son plaisir. Sinon, à quoi bon rentrer à la maison où la chaleur et les moustiques régnaient en maîtres? Surtout encore que souvent, le pétrole venait à manquer dans les lampes.
Son jeune Frère Gaspard Vomitiendé qui est aussi pianiste

Marcel Joachim Vomitiendé en famille à Bangui

Le Président Boganda

Marcel Vomitiende était sans doute l’une des grandes figures de la musique moderne que le pays ait connu depuis Barthélémy Boganda. Dommage qu’un musée, ou un institut quelconque à Bangui n’ait porté son illustre nom. Le comble, sa mort est passée dans l’indifférence la plus totale. A ma connaissance, il n’y a eu aucun hommage national, aucun communiqué officiel, ni aucune distinction honorifique à titre posthume. En tant que responsable des infos à la télé, j’aurais pu faire quelque chose, ne fut-ce que pour couvrir ses obsèques. Malheureusement, nous manquions cruellement de matériel à l’époque. Deux unités de reportages pour l’ensemble du pays)..Pourtant, cet homme s’était entièrement dévoué pour son pays, n’hésitant pas a accepter un autre sacrifice, la formation de la fanfare de police, ce en dépit de son âge avancé, et de la maladie qui commençait à l’affaiblir.

Un jour, en rentrant à pied, comme d’habitude, du commissariat d’à côté où il allait donner ses cours de musique, il s’était arrêté à la Télé. Et là, à l’ombre d’un arbre, nous avions échangé quelque banalité. C’était un homme moralement abattu tant par l’ingratitude des uns que par l’injustice des autres. En tout cas, M. Marcel Vomitiende restera dans les cœurs des mélomanes. Car il aura été le grand pionnier de la musique centrafricaine au lendemain de l’indépendance, avec un autre géant, aujourd’hui disparu, Prosper Mayélé.
maziki.fr
Sultan Zembellat
Anthologie de la Musique Centrafricaine

 

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